Gustave et la danse des idées
janvier-mars 2021
Les Andelys / Dispositif [E]ncrages / Le Labo des Histoire Normandie
À la fin ce sont près d’une centaine de cartes postales dûment envoyées au Palais de l’Élysée, au siège du Rassemblement National, à BFMTV, SFR, Free, Bricomarché, Micromania, Radio France, Twitter, Charlie Hebdo ou encore au FC-Normandie, entre autres. Au recto des cartes postales, de nouvelles idées reçues conçues et écrites à la main par les 13 garçons de la classe de 1e année de BTS électrotechnique du lycée professionnel Jean Moulin aux Andelys. Avec leur professeur Manon Quenehen Burel-André, nous avons travaillé sur le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert (1821-1880) dans le cadre du dispositif [E]ncrages, une initiative régionale portée par le Labo des Histoires Normandie. Pendant six fois deux heures, nous avons tous pioché des mots qui sentent et font l’air de l’époque, et nous avons tenté de poursuivre l’effort de Flaubert, qui n’acheva jamais son manuscrit quoiqu’y œuvrant sa vie durant. Son but : exprimer sa rage, son dégoût et ses haines, railler les vanités de son temps, moquer la bêtise humaine sous toutes ses formes et se venger des suffisants de telle sorte qu’« une fois qu’on l’aurait lu », ce fameux dictionnaire, « on n’osât plus parler de peur de dire naturellement une des phrases qui s’y trouvent » ! Constater à quel point c’est difficile, mais si jouissif, si drôle et si profond, d’ainsi nous rencontrer dans la connivence d’une critique réitérée des choses qui blessent l’esprit, d’un geste scriptural commun, mâtiné d’ironie et d’autodérision. Enthousiasmant, aussi, de voir ces presque vingtenaires se prêter au jeu, concentrés, vifs, curieux de voir comment une attention aux détails d’une tournure langagière (l’ajout d’un tiret, de deux guillemets, la biffure d’un mot…) peut alors faire passer l’expression d’un simple (et sale) cliché au rang de (bon) mot complice. Chercher les adresses à qui envoyer ce travail, et timbrer cette modeste salve permet de prendre conscience que le pré carré du scolaire dépasse toujours de l’autre côté du mur, mais surtout qu’écrire ne cesse d’avoir des conséquences réelles.
En sus, lu un rouleau de caisse de presque quatre mètres de long, frappé pour eux à la machine à écrire quelques jours avant la dernière séance. Histoire de se demander, entre autres, et enfin, ce que serait un Dictionnaire des idées lumineuses. On ne cesse de dérouler, quand on pense.