Feuilles & feuilles

Tu demandes à une centaine d’enfants de CE2-CM2 ce que diraient les arbres s’ils pouvaient parler. Tu le leur demandes parce que c’est le thème qu’a choisi la Factorie pour un projet plus large qui s’appelle « Aux arbres, citoyens ». Tu le leur demandes en trois fois deux heures avec cinq classes. Et tu constates qu’ils en savent peu sur lesdits arbres, mais suffisamment sur les sentiments humains pour avoir à beaucoup écrire. Tu leur fais entendre le début d’Arbres, de Prévert. Et Pommes, pommes, pommes, une histoire de Ruth Orbach que tu t’es entraînée à mille fois lire à ton propre fils. Tu leur lis un poème de toi que tu viens d’écrire pour eux et tu leur offres en même temps cent poèmes à piocher que tu as fabriqués en quatrains frappés à la machine sur des carrés de 10 x 10 cm, tous uniques et inédits. Tu as aussi plié cent petites boîtes en papier dans chacune desquelles tu as glissé un pépin de pommes des fruits qui deviennent des compotes à foison maison. Tu les leur distribues et tu constates qu’ils semblent prendre davantage de plaisir à une bande de papier plié qu’à des mots alignés, mais que leurs oreilles peu à peu prennent goût aux rimes, aux rythmes, comme eux à juste ta présence, de sorte qu’in fine, on peut dire qu’on a bien creusé, planté, et récolté. Plus tard, tu retapes à la machine chacun de leur poème sur des feuilles de 10 x 15 cm, des feuilles sur des feuilles. Et tout cela, ajouté au travail de Marie Gautier et de Raphaëlle Weber, en parallèle avec les mêmes enfants et encore un paquet d’autres, sera visible le long d’un parcours poétique sur l’île du roi qui tient lieu de sol, non seulement à la Factorie, mais encore à tant d’arbres dont on ne percevrait, en allant un peu vite, que le simple murmure de leurs branches dans le vent.